Anciens élèves de Fromentin

René Guillot, élève à Fromentin de 1948 à 1951

A l’occasion d’un mail adressé aux anciens de Fromentin, j’avais suggéré que le temps du confinement puisse être mis à profit pour jeter sur le papier les souvenirs de vos années bahut et vous avez été un certain nombre à me répondre. Merci  Pierre, Paul et Jacques… Nous allons bientôt publier vos témoignages sur Internet.

Le témoignage de notre ami René Guillot rappellera à plus d’un d’entre nous des noms et des souvenirs de notre passage à Fromentin…

Je garde précieusement le souvenir du regard que m’adressa Monsieur Châtenay lorsqu’il me remit le Prix de Français, en 4e. Comme mon père, il avait été Prisonnier de Guerre et m’avait pris sous son aile. C’était un homme à l’autorité placide, avec lequel il était facile de discuter et j’aimais ça. Il me conseilla d’entrer en Seconde spéciale pour préparer le concours d’entrée à l’EN et m’aida pour améliorer français, grammaire et commentaires de textes.… Plus tard, j’eus le plaisir de travailler pendant une dizaine d’années avec l’une de ses filles, Monique, qui après avoir été Directrice de l’école de Filles de Marennes, devint Conseillère Pédagogique dans la circonscription de Royan.

J’ai une pensée reconnaissante pour Monsieur Auzanneau, le Censeur dont le fils Michel était dans ma classe. Dans l’appartement de fonction qu’ils occupaient au-dessus du réfectoire, les dimanche après-midi où je me retrouvais bien seul à errer dans les grands locaux vides de toute vie, il m’invitait à venir jouer avec Michel. Au goûter, Madame Auzanneau nous servait des madeleines et des brioches que je trempais avec délices dans un grand bol de chocolat chaud dont les arômes viennent encore chatouiller mon souvenir. J’appréciais toutes ces attentions et faisait mes premiers pas dans la découverte d’un milieu social différent du mien.

Monsieur Perlade, le Surgé (surveillant général), avait accepté que je range dans son bureau le vélo neuf que mes grands-parents m’avaient offert en récompense de l’obtention du BEPC, mon grand-père, mécanicien – cycles, l’ayant lui-même forgé, brasé et monté. Les dimanches où je n’allais pas chez tante Renée à Chagnolet, Monsieur Perlade prenait la responsabilité de me laisser sortir, seul ou accompagné d’un autre pensionnaire, Bélibi Léon, un Camerounais encore plus éloigné que moi de sa famille et qui bénéficiait du même privilège.

J’aimais bien la compagnie des camerounais. Ils étaient six ou sept. Outre Léon Bélibi, je peux citer Edda, Bomba, Ebanga, Attangana un garçon très gentil, bâti comme un Dieu du stade. Il se disait que, fils de chefs ou de notables du Cameroun, ils étaient pris en charge par la France pour faire leurs études en France. La plupart faisait partie des équipes de sports collectifs du lycée dans lesquelles j’avais réussi à faire ma place.

J’ai toujours un sentiment de culpabilité lorsque j’évoque la mémoire de Monsieur Jacques, un autre professeur d’histoire, terriblement chahuté par des générations d’élèves et qui s’est suicidé. Ce professeur, d’une grande érudition mais trop gentil et sans autorité, ne savait pas se faire craindre. On le surnommait « Zazou ». En face de nos noms, il mettait des petits cœurs quand nous avions été gentils et des petites croix quand nous avions été « méchants ». Quand, après s’être égosillé en vain à nous faire taire, il se mettait en colère, hurlant que nous étions des petits voyous, ce qui redoublait nos cris, nos chants ou nos fous rires, il démontait sa chaise et tapait de grands coups sur son bureau. Le moment était attendu et il y avait toujours une bonne âme du premier rang pour glisser sournoisement le stylo du prof au bord de la table. La colère de Zazou s’arrêtait net lorsque le dossier de chaise s’abattait sur son malheureux stylo, le réduisant en miettes. « Vous pouvez sortir ! » balbutiait-il d’une voix brisée…

J’ai retrouvé, parmi les professeurs de l’Ecole Normale de l’avenue Guiton, Monsieur Vacherie professeur de dessin dont j’ai apprécié les cours dans les deux établissements, et, en allemand pendant trois ans, Monsieur Blancassagne. Cet homme élégant, toujours soigné de sa personne, au casque argenté (Blancassagne = « châtaigne blanche ») et soigneusement lissé, était toujours d’humeur égale, faisant preuve d’une rare courtoisie envers ses élèves. Le gros avantage de l’allemand première langue est que je n’ai jamais connu de classe de plus d’une douzaine d’élèves. En seconde, première et terminale, toutes trois passées avec lui, garçons, filles de l’ENF et niveaux mélangés, nous n’avons jamais été plus de trois !  Polyglotte, il jonglait avec le grec et le latin et nous faisait comprendre la logique de la grammaire et de l’orthographe, les apparentements des unes avec les autres. Il me donna l’amour des mots et du chant de la langue. Lorsque je cherche une tournure ou que je bute sur une expression qui ne traduit pas correctement mon idée, je me surprends à l’évoquer, toujours amusé et avec tendresse. …

Je citerai aussi Monsieur Aury, le prof de Maths, que nous aimions bien même si comme tout le lycée nous le surnommions « Laouya » car il avait un tic de langage que les générations d’élèves se transmettaient sans malice. Tout à sa démonstration, il dictait : « Tracez un trait de laouya A jusqu’à laouya B » et cela bien sûr plusieurs fois pendant le cours… (On trace un trait de là où il y a un point A jusque-là où il y a un point B)

Interne, j’ai eu beaucoup de bons copains, mais le temps passant, j’ai oublié beaucoup de noms. Je me souviens de Vendès, un externe avec lequel j’étais en compétition pour la place de premier en compo de Gym, Jean-Pierre Bertin, Marc Bréchoire, Coco ou Nono Billet, Favrelière et surtout Pierrot Gervais avec lequel je faisais souvent équipe lors des innombrables parties de pelote que nous disputions sur le fronton de la cour. Nous disputions le plus souvent des parties en double et comme nous nous entendions bien, nous étions souvent ensemble, nous gagnions souvent et donc jouions souvent. Nous avions passé quelques jours de vacances, moi chez lui, à Loiré de Vérines et lui et moi chez une tante dans l’Ile d’Oléron. Je crois qu’il est devenu prof de maths, mais nous nous sommes perdus de vue. Il y a une quinzaine d’année, je suis allé à Loiré pour essayer de retrouver sa trace, mais personne n’a pu me renseigner.

René Guillot