Anciens élèves de Fromentin

Bernard Trocme, élève à Fromentin de 1941 à 1948

On me demande un témoignage sur mes années de présence au Lycée Fromentin de 1941 à 1948. C’est assez embarrassant parce que ces années sont bien lointaines et que leur souvenir s’est estompé. Il ne reste que quelques images ou impressions, probablement déformées par la nostalgie et très insuffisantes pour fonder un témoignage totalement fiable.

Une certitude cependant : mes sept années d’études secondaires ont été fortement perturbées par la guerre. D’avril 1943 à mai 1945, il a fallu s’exiler. Pour ma part, j’ai atterri au Lycée Pierre Loti de Rochefort avec quelques-uns de mes camarades rochelais. Dans ma mémoire, ces deux années rochefortaises ont laissé une empreinte de tristesse. Pierre Loti paraissait sinistre à côté d’Eugène Fromentin. On y travaillait plus dur qu’à La Rochelle, me semble-t-il, dans une ville sans aucun attrait à cette époque.

Cela explique que le retour à Fromentin en mai 1945 ait eu à mes yeux la couleur d’une libération. J’avais quitté un établissement plutôt convivial en 1943, malgré les épreuves de la guerre, pour un lycée qui me semblait froid et inhumain. Je retrouvais en 1945 ce bon vieux Fromentin dont l’image était sans doute enjolivée dans mon esprit par l’allégresse de la Libération. J’arrivais même à trouver un certain charme au curieux fronton de la cour du même nom et à la verdure qui égayait la cour d’Honneur. Je n’irais par jusqu’à dire que tous les professeurs m’étaient sympathiques, mais il régnait une atmosphère moins pesante qu’à Rochefort, une sorte de légèreté qui s’accordait bien à l’esprit de la ville.

Je ne veux pas cependant passer sous silence un moment odieux de la vie au Lycée Fromentin durant l’Occupation, plus précisément durant l’année 1942. Les élèves des grandes classes suivaient avec la passion que l’on peut imaginer les événements de la guerre et les actions de la résistance. Ces jeunes gens allaient parfois jusqu’à distribuer des tracts qualifiés de « gaullistes ».

Un individu malveillant, ami de certains journalistes locaux compromis dans la politique de collaboration, n’a pas hésité à dénoncer plusieurs de ces élèves et a été ainsi à l’origine de leur arrestation.

Je n’en dirai pas plus, mais on comprendra que cet épisode lamentable jette, pour moi, une ombre sur le charme discret du Lycée Eugène Fromentin que j’ai connu.

Bernard Trocme