William Leymergie

William Leymergie, élève à Fromentin de 1961 à 1966

William Leymergie jeune

William Leymergie jeune

Parmi les nombreux élèves qui ont fréquenté le Lycée Fromentin, certains sont devenus des personnages publics, des « célébrités ».

Tout le monde connaît William Leymergie. Journaliste, animateur et producteur de télévision, il est surtout connu pour être l’animateur de Télématin, l’émission matinale d’information de France 2.

Il est né le 4 février 1947 à Libourne en Gironde et passe les premières années de sa vie en Afrique, au gré des affectations de son père, officier dans les troupes coloniales. Compte tenu des évènements d’Algérie, ses parents choisissent de lui faire poursuivre ses études comme pensionnaire en métropole, au Lycée Fromentin de La Rochelle.

Dans son livre « Les dents du bonheur », il raconte avec tendresse et nostalgie ces années Lycée. Il y évoque notamment sa rencontre avec un autre lycéen qu’il retrouvera plus tard à la télévision, Allain Bougrain-Dubourg.

Il a très gentiment accepté que nous en reproduisions des extraits dans ce bulletin.

Que de bons souvenirs (et encore je n’ai pas tout raconté ce n’était pas l’essentiel de ce livre. Peut-être une autre fois !). Longue vie à votre amicale. Bien cordialement.

William Leymergie

Le lycée Eugène Fromentin est une immense bâtisse de trois étages datant du XVIIème siècle,  imposante et austère, avec ses coursives en arceaux et son immense cour de bitume granité. Je mets du temps à me repérer dans ce dédale de couloirs et de salles. Les premiers jours, je me sens écrasé par ces murailles vertigineuses et impressionné par la majesté du lieu. Je ne sais pas si je vais faire du bon travail dans ce lycée mais, en tout cas, il a de l’allure.

J’aborde la France par une petite ville de province, avec des compagnons de classe qui sont des gars du coin et me parlent de rugby, de bringues et de nanas avec qui ils rêveraient de conclure. Mon expérience africaine, ils n’en ont rien à faire ! Le dortoir, la cantine, l’étude, la ruée pour aller se laver les dents, les cavalcades dans les escaliers, c’est comme une nouvelle planète. Moi, si solitaire au fond, malgré mon grand frère et mes copains, cette vie communautaire avec des garçons de mon âge, ça me plait bien. C’est aussi la première fois que je m’éloigne de mes parents aussi longtemps, et cette distance qu’ils ont voulu mettre entre eux et moi va me décoller de la relation fusionnelle qui est la nôtre, même si je leur conserve toute ma tendresse.

En revanche, ce qui a traversé la Méditerranée dans mes valises et qui va perdurer, c’est mon goût du spectacle. Au lycée Fromentin, mes capacités à pousser les profs à bout vont atteindre des sommets.

Ce matin-là, comme chaque semaine, nous quittons l’établissement pour rallier le stade municipal. Sur le trottoir d’en face, un groupe de filles passe et je fais le clown pour amuser les copains. Ça rigole dans les rangs. « Leymergie, ça suffit! » braille le prof de gym, un type d’une trentaine d’années, plutôt sympathique, mais que l’indiscipline hérisse. Depuis le début de l’année, il m’a dans le collimateur. En voilà un que je ne fais pas du tout rire, par exemple !

C’est vrai que je suis provocateur, mais j’aime tellement faire le show ! Naïvement, je pense que tout le monde me trouve drôle. Un autre jour, alors que notre professeur de français s’est absenté quelques minutes de la classe au moment de nous rendre nos dissertations, je me précipite sur le paquet de copies et j’annonce haut et fort leurs notes à mes camarades. Les rires fusent : « Il est gonflé, ce Leymergie ! », et bien évidemment, je me fais surprendre par le prof et punir, une fois de plus. Pourtant, je n’ai pas vraiment l’impression de leur manquer de respect. Je me trouve effronté, pas insolent. Mes profs ne perçoivent pas bien la nuance… »

J’en aurai fait des « lignes » pendant mes heures d’étude, des « Je ne dois pas fumer en cachette sous l’escalier » ou « Je ne prends pas la parole sans qu’on me la donne ». Autour de moi, ça travaille en silence, certains commencent déjà à piquer du nez sur leurs cahiers. Le soir tombe, c’est l’heure où l’on aimerait se dégourdir les jambes avant d’aller au réfectoire puis au lit, mais il faut encore cravacher. Dans cette étude, j’ai repéré un drôle de type, plus jeune que moi, un parisien que ses parents ont inscrit dans ce lycée à La Rochelle parce qu’ils ont une résidence secondaire sur l’ile de Ré.

Il m’intrigue beaucoup car il ne parle que d’animaux, d’oiseaux… Dans les revues posées sur sa table, il y a des photos de fauves, de grands singes, et il paraît que son casier abrite un hamster et, parfois même, des serpents ! Totalement atypique, il est plutôt marrant, tout le monde l’aime bien, mais ce qui m’intéresse surtout, c’est qu’il est abonné au magazine Pilote et qu’il nous le prête quand il l’a lu. En province, on ne connaît pas encore ce journal formidable, bien plus marrant que Spirou ou Tintin.

Ce garçon à qui je n’ai jamais beaucoup parlé, je l’ai retrouvé bien plus tard à la télévision : il s’appelle Allain Bougrain-Dubourg, et il a fait un métier de sa passion.

Allain, il faut que je t’avoue quelque chose, cinquante ans plus tard : un jour tu as sorti de ton portefeuille une photo de ta sœur. Elle était tellement jolie que je t’ai subtilisé le cliché pour le montrer à mes copains en la faisant passer pour ma petite amie. Je me suis taillé un beau succès, crois-moi, et j’en ai fait fantasmer plus d’un ! Mea culpa.

Dans un coin de la salle d’étude, j’aperçois notre vieux pion, le plus vieux du Lycée, un bonhomme aux cheveux rares, ratatiné dans sa blouse grise, qui se roule une méchante cigarette de tabac brun. Il doit bien y avoir vingt ou trente ans qu’il rôde dans les couloirs pour faire rentrer les élèves dans leurs classes, comme un berger rassemble son troupeau.

Hanter les escaliers et les coursives, c’est son job, il n’en a jamais fait d’autre, avec toujours la même phrase à la bouche : « Qu’est-ce que vous attendez, là? » Au fil des ans, la phrase s’est érodée, lui-même s’en est lassé, c’est devenu un « quaquendéla, » si peu convaincant qu’on ne l’écoute même plus. Qu’est-ce qu’on lui en a fait voir, le pauvre homme ! Aujourd’hui, j’y pense avec beaucoup de tendresse…

William Leymergie