Anciens élèves de Fromentin

André Théau, élève à Fromentin de 1935 à 1942

Plutôt que de rajouter l’anecdote à l’anecdote, je préfère vous faire partager une réflexion d’ensemble sur le souvenir des années que j’ai passées au Lycée Fromentin.

Comme la généralité de mes condisciples, après avoir été reçu à l’examen d’entrée, j’ai rejoint en 1935, à l’âge de 11 ans, les bancs de la 6ème.

Les parents de mes camarades étaient, pour la plupart, soit des fonctionnaires (souvent des enseignants comme les miens), soit des bourgeois laïques, soit des membres de la communauté protestante rochelaise qui n’avaient toujours pas digéré la prise de La Rochelle par des troupes royales commandées par un Cardinal. Ceux qui pratiquaient  régulièrement la religion catholique, choisissaient pour leur progéniture le Lycée privé Fénelon.

La tradition de l’enseignement du latin, étant considérée comme une priorité de bon aloi, j’y fus astreint. Le casse-tête de la grammaire latine, des versions et des thèmes, me permit de découvrir une civilisation (héritée pour une bonne part de celle des Grecs) d’une richesse incroyables par sa diversité, son inventivité, son pluralisme intellectuel, ses lois votées par des assemblées élues, sa priorité donnée à l’enseignement,  sa tolérance envers l’homosexualité, son amour du beau.

Cette civilisation plaçait l’homme au centre de ses priorités d’une façon telle que sa mythologie religieuse n’était qu’un énorme roman à tiroirs qui narrait les aventures des déesses et des dieux dont les motivations, pour le meilleur comme pour le pire, étaient identiques à celles des femmes et des hommes.

Le « mens sana in corpore sano » était une réalité quotidiennement vécue qui s’illustrait par la prise, dans la représentation publique et privée, des corps dénudés de femmes et d’hommes par des sculpteurs qui nous ont laissé tant de chefs-d’œuvre.

Né dans une famille d’athées, j’ai eu vite le sentiment que ma fibre identitaire était celle d’un gallo-romain et non d’un judéo-chrétien. J’en suis toujours persuadé.

Je terminerai en rendant hommage à la qualité pédagogique du corps professoral qui m’a formé. Soyons objectifs, une petite minorité de professeurs était chahutée parce qu’au Lycée, dans cette période comme à celle de maintenant on se montrait joyeusement impitoyable vis-à-vis des enseignants qui faisaient preuve de faiblesse.

André Théau